Bonjour Ghost Writer,
Cet article n’est pas nécessairement une réponse, mais plutôt une continuité de ton questionnement en lien avec certains concepts abordés autour de l’aura d’une oeuvre.
Qu’est-ce qui confère à un tableau son prestige, sa renommée, son attrait ? Est-ce que c’est le fait qu’on reconnaisse l’oeuvre d’un grand maître, qu’on en apprécie le travail et la subjectivité propre aux âmes créatives qui confère à leurs tableaux une notoriété sans pareil ?
Qu’est-ce qui fait qu’une oeuvre est unique ? Je sais, je sais… De nos jours, cette question n’est plus vraiment d’actualité pour diverses raisons comme l’avènement du numérique, mais questionnons nous tout de même un instant. Plusieurs sociétés accorde encore une grande importance aux œuvres de divers artistes de renom ou encore qui datent simplement de périodes précédant la nôtre. Nul besoin de chercher bien loin pour le réaliser, juste à aller voir n’importe quel musée dans le monde. De ce fait, qu’est-ce qui nous pousse à vouer un tel culte à ces œuvres du passé ? J’imagine que plusieurs réponses peuvent venir à l’esprit, mais une en particulier m’intéresse aujourd’hui. Il s’agit de la subjectivité de l’oeuvre. J’englobe par là toutes les caractéristiques qui font qu’on peut, par exemple, reconnaître une toile de Rembrandt comme celle-ci :
Ou bien celle-ci :
Ou bien celle-là :
Ces tableaux présentent toutes les trois des traits particuliers à Rembrandt, du style jusqu’à la sensation si on pouvait toucher physiquement la toile. C’est ce qui fait qu’elles sont authentiques, attrayantes, voir envoûtantes pour certains. Pour citer Walter Benjamin (1955), c’est en partie ce qui lui confère son aura. Également, de savoir que c’est Rembrandt qui peint cette toile à une toute autre époque, on peut s’imaginer tout le voyage qui amena l’oeuvre jusqu’ici et toute l’histoire qui se cache derrière le tableau qui se trouve maintenant devant nos yeux.
Un des problèmes de nos jours, c’est la reproductibilité de l’oeuvre. Sans entrer dans les détails, pratiquement tout est reproductible de nos jours grâce aux multiples technologies. Benjamin abordait déjà le sujet en 1955 et cela n’a jamais été aussi vrai qu’aujourd’hui et ce sera encore plus le cas demain. Bref, cette reproductibilité amène un doute constant. On ne peut jamais savoir si l’on a l’original devant les yeux. Pour ce qui est des œuvres peintes, le problème est moindre, mais toujours présent. L’épaisseur d’une toile causée par l’accumulation de peinture est plutôt difficile à reproduire. Ce sont plutôt des faussaires, c’est-à-dire des peintres qui imitent le travail d’artistes de renom, qui sont à surveiller. La plupart du temps, les experts arrivent toutefois à distinguer l’original de la copie en l’examinant de près. La technologie évolue cependant extrêmement rapidement et arrive avec des méthodes de reproductions incroyables qui donnent un résultat à s’y méprendre. Le projet « The Next Rembrandt » en est un exemple parfait. Pour ceux qui ne connaissent pas, il s’agit d’un projet où une immense collection de toutes les toiles disponibles de Rembrandt furent analysées pixel par pixel afin d’apprendre à un programme informatique à peindre comme Rembrandt. La toile fut ensuite construite par une imprimante 3D spécialement conçue pour l’occasion en imitant même jusqu’aux coups de pinceaux de l’artiste. Ce qu’il y a d’impressionnant avec ce projet, c’est que le programme n’a pas simplement recréé une toile existante de l’artiste. Il a prit en considération le travail déjà fait et a créé lui-même une oeuvre complètement nouvelle, mais avec le style de Rembrandt selon un algorithme. C’est d’ailleurs la deuxième toile montrée plus tôt dans cet article. À s’y méprendre, pas vrai ? Difficile de croire qu’il s’agit de l’oeuvre d’une machine sans âme ni créativité.
Il est impressionnant et peut-être inquiétant de réaliser qu’un programme peut en arriver à produire une « oeuvre » évoquant une sensibilité et provoquant une émotion, un don que l’on associe normalement uniquement aux humains. Cela m’amène à me questionner sur l’aura que peut posséder cette toile que l’on pourrait jurer sortir tout droit de l’atelier de Rembrandt (c’est un peu le cas dans un certain sens).